Nahed a un emploi élevé dans l'éducation nationale égyptienne.
Elle est résolument musulmane et ne craint pas de persécuter les Chrétiens tout en cherchant Dieu, quand soudain exténuée, elle a le vertige :
"Je me suis retrouvée portant une robe dont la couleur grise était rehaussée de filaments argentés, une robe longue jusqu'à terre, avec des manches longues et une ceinture large de la même couleur et sur la tête, un voile de la même couleur. Je suis très heureuse de cette jolie robe et je me demande d'où elle me vient. Je ne l'ai jamais vue auparavant, je n'ai de ma vie, rien vu de pareil, ô merveille !
Je baissai les yeux pour découvrir que j'étais pieds nus ! Comment pouvais-je être vêtue avec cette élégance et avoir les pieds nus... Mais je ne m'en fis pas, me disant que la robe couvrait mes pieds. Je regardai le sol et ce fut une surprise : il était d'une vert très pur ; je n'avais jamais vu cette couleur admirable. Et quelle finesse au toucher. Je me mis à bouger mes pieds pour savoir : est-ce du gazon velouté... ou du tapis... non, c'est de la soie.
Je relevai la tête pour découvrir ce que la langue est impuissante à décrire. Il ressemble aux châteaux qui n'existent que dans l'imagination... Non, il dépasse l'imagination, il est hors de sa portée..
Une place immense avec des colonnes dont l'œil ne peut atteindre l'extrémité, recouverte de soierie brillante qui scintillait d'une manière étrange. Et une senteur d'encens que j reconnaissais. Et voici, une brise fraiche et vivifiante qui caresse mon corps et me fait éprouver une paix merveilleuse. Des oiseaux voltigent et au dessus de ma tête je ne les vois pas mais je les sens. Calme, bonheur, repos parcourent mon corps avec cette brise.
Je me mis à marcher pour explorer l'endroit. Et je me trouvai en face d'un siège élevé et imposant mais vide avec en arrière-plan, comme une coupole d'église. Je marchai et marchai encore, jouissant de tout ce qui était en ce lieu, lorsque je vis des hommes âgés, debout en arc de cercle, formant une sorte de garde d'honneur. Ils portaient des vêtements d'une éclatante blancheur. Sur leur tête, une coiffure blanche avec des objets scintillants. Leur barbe, d'un blanc éclatant tombait sur leur poitrine. Ils parlaient en chuchotant, j'essayai de me rapprocher d'eux dans l'espoir de comprendre ce qu'ils disaient mais je ne pus comprendre. Je les quittai alors et m'en allai jouir de ce que je voyais. Mon regard était incapable d'embrasser le lieu, ni d'en atteindre l'extrémité...
Quelqu'un, brusquement, entra. Je ne savais par où il était entré, ni comment. Je vis ces hommes se prosterner devant lui. Il se dirigea vers le siège élevé et imposant. Il ne progressait pas en faisant des pas sur le sol... Non, il avançait comme porté sur des nuées ou comme un fantôme. Il parvint au siège et s'y assit. Ô merveille, je marchais derrière lui sans réfléchir ni le vouloir ; je le suivais. Je me prosternai à ses pieds, envahie par d'étranges sentiments, un mélange de joie et de crainte...
Bonheur, tranquillité, paix merveilleuse
avec un frisson qui parcourait mon corps comme un courant électrique. Je ne pouvais maîtriser mon corps qui tremblait.
Je me demandais ce que pouvaient être ces sentiments étranges. Et qui était celui devant qui je me prosternais, ainsi que tous ces hommes. Il faut que je lève la tête et que je le regarde pour voir qui il est. Je rassemblais mes forces et le regardais. Ô mon Dieu ! Que vois-je ? Ma langue est inapte à le décrire : je ne peux trouver les mots qui conviennent. Ce visage lumineux, cette peau translucide, cette beauté... Il me semble fatigué, épuisé, triste... Il porte un habit de couleur claire et, sur son épaule gauche, une écharpe cramoisie de couleur sombre. Ses cheveux blonds qui lui tombent sur les épaules ressemblent à une pièce de velours.
Et qu'est ce toute cette tristesse ?
IL ferme les yeux, appuie ses mains sur les genoux, sa tête penchée en avant. L'œil ne se lasse pas de le regarder... On dirait que quelque chose lui manque et il n'y consent pas mais au contraire, il en est attristé. Une fois de plus, je me posai la question : qui est ce Puissant ? Est-il un roi ? Non, je ne vois pas de roi ayant cette beauté. Et qui est capable de fâcher ce Puissant ? Je me mis à regarder attentivement son beau visage rayonnant qui communique le repos, son cou pareil à une colonne de pur cristal, sa peau d'une blancheur éclatante... Plus je le regardais, plus je m'attachais à lui et mon désir de le connaître augmentait de plus en plus, mon désir de connaitre son identité.
Brusquement, il ouvrit les yeux et me regarda. Je ne pus supporter son regard
et tombai sur ma face... Ô mon Dieu ! Qui vois-je ? Quels yeux ! Je sens que je vais mourir ou perdre connaissance... De ses yeux larges émanent des rayons aussi lumineux que ceux du soleil et les prunelles de ses yeux sont grandes, on dirait qu'elles contiennent tout le globe terrestre : leur couleur est merveilleuse, d'un bleu clair tel le ciel clair ou l'eau pure, donnant sur le vert. Et ces rayons qui, de ses yeux tombent sur moi ; ils parcourent mon corps comme l'électricité.
Je ne peux fixer mon regard sur lui. Je suis tout désir, je l'ai aimé, je veux le regarder. Je rassemblai mes forces. Je dois le regarder une fois de plus. Oui, je relevai la tête et le regardai... Ô merveille ! Il me regarde, il rapproche son visage du mien... Et ce regard... Il est tout entier amour, tendresse, délicatesse. Il dit en me suppliant d'une voix calme : "C'est fini Nahed ?"
Je tombai sur la face, je ne pouvais supporter tout cet amour, toute cette tendresse, toute cette délicatesse ! Mais qui suis-je pour que ce Puissant me supplie de cette manière ? Sa tendresse dépasse la douceur d'une mère à l'endroit de son fils au cœur dur. Et ce Puissant connaît mon nom ! Et il m'appelle par mon nom ! Il me connaît bien. Mais qu'entend-il par ces mots : c'est fini ? Je ne comprends pas ce à quoi il fait allusion. Le lui demander ? Oh non ! Ce n'est pas quelqu'un à qui l'on pose des questions, c'est quelqu'un auquel on obéit seulement. Ce monologue intérieur fut rapide et maintenant, je me dois de lui répondre vite. Je dis alors, sans pouvoir me maîtriser : "oui, c'est fini, c'est fini !"
Je suis tout désir pour lui. Je dois rassembler mes forces et le regarder de nouveau. De fait, je relève la tête, il se rapproche encore de moi et me regarde...
Avec le même amour, la même tendresse, la même délicatesse, il me supplie une deuxième fois et me dit : "Es-tu sûre, Nahed ?"
Les rayons qui émanent de ses yeux parcourent mon corps. On dirait qu'il voit la profondeur de mon être. Et pour la deuxième fois, je tombe à ses pieds. De ma vie, je n'ai rien vu de semblable à cet amour, cette tendresse, cette bonté. Et tout cela pour moi ! Qui suis-je pour qu'il me donne tout cela ? Et je me demandai encore : "sûre de quoi ?" Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, mais je dois lui obéir, je n'ose pas lui poser de question. Je lui réponds sans relever la tête : "oui, je suis sûre, je suis sûre "
Je l'aime parce que je sens chez lui un amour sans pareil... Pour la troisièmement fois, je rassemble mes forces et relève la tête pour le regarder, malgré la peur qui me possède et mon corps qui tremble et qui échappe à mon contrôle, bien que je sois en même temps submergée par le repos, la paix et le bonheur. Je le regardais.
Ô merveille ! Il se rapproche de plus en plus de moi... Même regard, même voix tranquille : "C'est-à-dire, je me rassure, Nahed ?"
Ô mon Dieu ! Ce Puissant veut être rassuré par moi ? Mais à propos de quoi veut-il être rassuré ? IL faut que je lui obéisse et de la même manière, je lui réponds sans comprendre le sens de sa question: "oui, rassure-toi, rassure-toi ! Puis il ajouta : "Regarde-moi". Je lui dis "Je ne peux pas". Il me dit avec assurance : "Ne crains pas... Regarde-moi. Et lorsque j'entendis "ne crains pas" ma crainte disparut à l'instant.
Je relevais la tête et me mis à regarder attentivement son beau visage que la langue est impuissante à décrire. Je constatai que les rayons intenses qui sortaient de ses yeux étaient devenus supportables; c'était comme si la lumière irradiait de ses yeux. Qu'est cela, ô mon Dieu ? Amour... tendresse... délicatesse... bonté... pureté... innocence... je ne trouverai pas les mots aptes à exprimer ce que je vois.
Quelques instants passèrent. Je ne me lassais pas de le regarder. Et chaque fois que je le regardais, mon désir de lui augmentait. Puis il dit calmement : "Que vois-tu ?" Je sentis qu'il voulait me mette à l'épreuve ! Je gardai un moment le silence, réfléchissant puis je lui dis : "Je vois l'aspect d'un enfant". Les signes de tristesse disparurent aussitôt mais il ne sourit pas. Puis je vis les larmes couler à flots de ses yeux comme un torrent, et plus comme un fleuve qui coulait sur ses joues vers ses habits. Je pleurais fort avec lui et mon corps tremblait pourtant dans mon tréfonds, je sentais que j'étais heureuse que ma réponse était bonne et qu'il était satisfait de moi. Quelques moments passèrent... Je repris conscience au choc de mon corps contre le lit... J'ouvris les yeux... Où suis-je ? Et où est-il ? Où est l'habit que je portais ? Il s'écoula un certain laps de temps comme si j'avais perdu la mémoire. Je refuse la réalité, je veux retourner à ce que je viens de vivre; Je sens de l'amertume. Je veux retourner à lui. Aide-moi, ô mon Seigneur, à supporter mon exil sur la terre, loin de Toi, sans Te voir